Certains lâches animés de vengeance, de haine, de bassesse s’adonnent au dénigrement honteux à des fins purement politiques
Insultes sur un mur, commentaire diffamant… Les tribunaux doivent juger de plus en plus d’affaires en lien avec l’utilisation de Facebook. Mark Zuckerberg n’a pas créé une plateforme pour que des frustrés attaquent la dignité humaine. Certains commentaires sur Facebook sont animés de vengeance et de haine raciale, ce qui interpellent plus d’un. Des vies peuvent être détruites à cause de la manipulation d’information, des photos truquées ou des propos malveillants. Nous ne sommes pas dans le camp des liberticides ayant nous-même subi la répression dans un passé pas trop lointain. Cependant nous ne pouvons pas encourager cette culture d’impunité. Les autorités doivent agir !
Dossier réalisé par Joël Marianne
Le réseau social Facebook est devenu avec le temps une plateforme incontournable pour toutes sortes de groupes et d’individus. Cela passe du plus jeune au plus âgé. Du démuni au milliardaire, 865 millions de personnes s’y connectent au quotidien à travers le monde entier et chacun pour des raisons différentes et spécifiques. Elle est devenue pour de nombreuses personnes, le nouveau moyen d’être sociable et dans le coup, et cela à l’unique condition d’être ‘ actif ’.
Depuis l’expansion de ce site, la frontière entre vie privée et vie publique est de ce fait devenu de plus en plus perméable. Interactions, publications de photos, humeurs, rumeurs, coups de gueule, situation, idées et opinions, fusent à longueur de journée. Tout y passe tant qu’on a l’occasion de poster et d’être ‘aimé’ par ces ‘amis’. Et semble-t-il que c’est la vulgarité, le dénigrement d’autrui, qui se fait passer pour le franc-parler, qui régale plus les internautes, battant le record de ‘likes’ et de partage, qu’une fille à moitié nue.
Ce phénomène qui consiste à crier tout tout-haut derrière son écran a tellement pris de l’ampleur qu’il a propulsé Facebook comme la crème des outils de communication pour les anonymes, car facile et accessible à tous. L’œuvre de Marc Zuckerberg est d’ailleurs l’un des sites le plus utilisés à travers le monde, avec la création de plus d’un milliard de comptes, devançant Youtube. Elle est tellement efficace que même les médias traditionnels ont dû changer leur fusil d’épaule, faisant de ce site, une de leurs priorités.
Elle permet à tout un chacun de rendre public ce qu’ils ont sur le cœur, en tête ou sur le corps mais si certains l’utilisent pour faire valoir leur droit d’expression, communiquer ou surfer, beaucoup d’autres font uniquement abus des facilités qu’elle offre.
Cette application accorde la libre communication des pensées et des opinions, qui est un des droits les plus précieux de l’homme. Tout citoyen peut donc écrire, poster, débattre librement et Facebook innove en permanence, pour permettre à ses utilisateurs de réagir, de Screenshot, de partager, et de publier plus facilement. Sauf que des fois certains propos ou ‘posts’ sortent du cadre légal. Et beaucoup d’internautes confondent entre liberté d’expression et dénigrement, diffamation et harcèlement, qui sont des délits punissables par la loi.
D’ailleurs, ces temps-ci, triste est de constater que Facebook et les réseaux sociaux ont de plus en plus tendance à être vus par ces usagers comme des zones de non-droit où la liberté d’expression, en particulier, n’aurait aucune borne. On y voit souvent une forme profonde d’ignorance et de bêtise se déployer dans un irrespect assumé avec des remarques et des critiques qui blessent.
Bien qu’un bon outil de communication, Facebook facilite toutes les dérives qui portent atteinte au droit à l’image ou à la vie privée. Quel que soit le motif – vengeance, harcèlement, attaque personnelle – tout est à la portée des détracteurs, mais cette exemption a ses limites que les internautes semblent ignorer. Sous couvert de la liberté d’expression, ils utilisent un certain langage, des propos, remarques ou discours qui engendrent un panel de délits du ressort du tribunal.
Ministre, famille, ennemi, collègue, enseignant, patron, personnage public, tous en ont pour leur compte sur le net. Au moindre petit faux pas, il faut s’attendre à une foudre de remarques, de critiques, de commentaires désobligeants ou de jurons. Des rumeurs non fondées, font le buzz et font, en quelques heures, le tour de l’île créant des psychoses. Les victimes sont bombardées de toutes parts, deviennent la risée de la population et ne savent plus où se mettre la tête.
La députée Danielle Selvon : « Il n’y a plus de retenue sur les réseaux sociaux et cela est inacceptable et dangereux »
D’ailleurs, la députée Danielle Selvon affirme que cette situation est devenue alarmante. « Certains internautes ont franchi le cap et sont tombés dans la bassesse. Ils ont dépassé les limites et cette tendance qu’ils ont adopté n’est autre qu’une ‘criminal behaviour’. Il n’y a plus de retenue sur les réseaux sociaux et cela est inacceptable et dangereux », a-t-elle déclaré.
Danielle Selvon explique que certains propos se sont montrés blessants pour les Mauriciens, causant de vives réactions à la fois sur la toile que hors de la web. Selon elle, ces dérapages sur les réseaux sociaux viennent montrer la nécessité d’éduquer les internautes. Elle estime qu’il faudrait avoir un programme d’éducation pour la cyber-population qui puisse prendre en considération le respect de l’autre, des institutions et le respect interculturel, entre autres. D’ailleurs, elle a félicité l’initiative de le Xournal de sensibiliser la population à ce sujet et dit espérer que le gouvernement emboîtera le pas.
Pour la candidate de la circonscription No 1, il n’est pas ici question de brider la liberté d’expression de quiconque mais il faut impérativement effectuer un rappel des limites fixées par la loi et indiquer le périmètre à ne pas franchir lorsqu’il s’agit de la vie privée d’autrui. Danielle Selvon affirme que si critiques il y a, elles doivent être objectives et dans le respect des autres.
La députée indépendante, soulève que ces temps-ci, la toile semble être plus enflammée que jamais. « Les internautes se lâchent et s’expriment sur Facebook, comme des soulards dans un bar, alors que ce site est bel et bien un lieu publique et ouvert, si des restrictions ne sont pas entretenues », fait-elle ressortir. Elle affirme que certains propos vont à l’encontre moral et peuvent coûter des vies. Et d’ajouter que certains dérapages peuvent atteindre l’ordre social et causer de plus grands torts à la société.
L’avocate Melanie Nagen : « liberté rime aussi avec responsabilité »
Cachés derrière leurs écrans, de nombreux internautes se croient tout-puissants et estiment pouvoir faire tout ce dont ils ont envie librement mais tel n’est pas le cas. D’ailleurs l’avocate Melanie Nagen rappelle que de même que dans la société, il faut respecter un certain code de conduite, ce même code est valable également sur la toile. « Toute personne a le droit d’avoir sa propre opinion et de partager une critique. Mais il faut savoir le faire sans blesser la sensibilité d’autrui ou d’une institution quelconque car cela reste un délit » fait-elle ressortir.
Elle ajoute que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Et rappelle qu’il existe des lois qui encadrent le cyber monde et que les gens doivent savoir utiliser convenablement l’ordinateur et l’internet. Pour Me Nagen, liberté rime aussi avec responsabilité. Elle estime que bien que la Constitution de Maurice garantisse la liberté d’expression de tout un chacun, cette liberté doit s’accompagner de la responsabilité en tant que membre d’une société. Et de faire ressortir qu’il ne faut pas oublier qu’un commentaire est lu par des centaines, voire des milliers de personnes et est donc considéré comme étant public.
L’avocate explique que si la liberté d’expression porte préjudice à quelqu’un, elle est passible de sanctions en cour. Une amende allant jusqu’à Rs 1M et une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 5 ans pourront être appliquées si les lois sont bafouées. Toutefois elle ajoute que comme toute affaire, le présumé coupable sera traduit devant un juge et aura la chance de se défendre.
Melanie Nagen explique qu’il y a toute une organisation qui a été mise en place pour combattre ce type de délit. « La Information and Communication Technologies Act 2001 et la Computer Misuse and Cyber-crime Act 2003 ont des sections spécifiques à ce sujet. Lorsqu’un dérapage quelconque est identifié par un internaute, celui-ci peut loger une plainte directement à la police ou référer le cas à l’Information & Communication Technologies Authorities (ICTA). Mais une plainte doit être logée », souligne-t-elle.
Alors l’autorité de régulation des technologies de l’information et de la communication, réfère à son tour le cas à la police. La Cybercrime Unit de la Central Crime investigation Division (CCID) se charge ainsi de déterminer si offense il y a et prend des mesures en conséquence qui peuvent déboucher sur une arrestation et être traduit en Cour de justice.
Me Mary Jane Gayle Yerriah: « Même sous le couvert de l’anonymat des actions illicites ne perdent pas leur caractère fautif »
Pour Me Mary Jane Gayle Yerriah, avocate, c’est davantage un manque d’information qui entraîne des personnes à commettre des délits sur les réseaux sociaux. Elle affirme que beaucoup d’internautes font des publications lorsqu’ils sont dans un état particulier sans réaliser les conséquences qu’il y a derrière. Elle fait ressortir que dans de nombreux cas, un imposteur s’imagine créer un faux compte pour s’amuser et ne considère pas que cela est illégal au niveau juridique.
La légiste explique que créer un faux profil dans une mauvaise intention et ensuite, inscrire des propos indécents ou insultants à l’égard de quelqu’un peuvent être réalisées en l’espace de 10 minutes et en quelques clicks. Mais elle souligne que cette action comporte en elle-même deux offenses distinctes, tombant à la fois sous la section 4 de la Computer Misuse and Cyber-crime Act 2003» et il incombe à la Cour Intermédiaire de juger ces cas-là.
Elle fait ressortir que cette Section de la loi va dans le même sens que l’article 12 de la Constitution de Maurice, qui stipule que : «Toute personne qui utilise un service d’information et de communication, y compris un service de télécommunication : (i) pour la transmission ou la réception d’un message grossièrement offensant, ou à caractère indécent, obscène ou menaçant; ou (ii) dans le but de causer une gêne, des inconvénients ou une anxiété inutile à une personne; (iii) pour la transmission d’un message de nature à mettre en danger ou à compromettre la défense de l’État, la sécurité publique ou l’ordre public, commet une infraction. »
Et d’ajouter que la section 4 de la Computer Misuse and Cyber-crime Act 2003, tombant sous «Access with intent to commit offences» stipule que «(1) Toute personne qui oblige un système informatique à exécuter une fonction visant à sécuriser l’accès à tout programme ou donnée contenu dans un système informatique, dans l’intention de commettre une infraction à un autre texte législatif, commet une infraction et est passible, sur déclaration de culpabilité, d’une amende maximale de Rs 200 000 et d’une servitude pénale pour une période maximale de 20 ans.
Elle souligne que même sous le couvert de l’anonymat et des pseudonymes des propos ou actions illicites restent de même envergure. « Les propos constitutifs d’injures, d’incitation à la haine raciale, de dénigrement de produits ou de services, par exemple, ne perdent pas leur caractère fautif uniquement parce qu’ils ont été proférés à l’ombre d’un nom d’emprunt ou de fantaisie », a-t-elle soutenu.
Jusqu’où va la liberté d’expression sur Internet?
La liberté d’expression est démultipliée sur internet, en effet tous les internautes sont libres d’exprimer leurs idées. Cependant, c’est aussi un lieu où la diffamation, l’injure ou encore le dénigrement sont répandus.
A la différence de la presse qui se doit de s’assurer de la véracité des faits avant de les publier, et ce, au risque d’engager sa responsabilité, les internautes peuvent créer de fausses informations sans être inquiétés. L’influence des internautes sur une réputation peut donc être véritablement destructrice.
Il est désormais possible a priori d’influer sur la réputation d’une personne physique ou morale en créant un blog, un groupe Facebook ou tout simplement en laissant un commentaire négatif sur un forum de discussion : tout cela va alors automatiquement être enregistré dans les “archives internet” et dans la mémoire des moteurs de recherche.
Comme toute liberté, la liberté d’expression est assortie de limites : son exercice devient fautif si le titulaire de cette liberté en fait intentionnellement un usage préjudiciable à autrui et à son image à savoir principalement la diffamation, l’injure ou le dénigrement.
Porter atteinte à la vie privée et au droit à l’image d’autrui : toute personne, a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Donc partager des photos ou des informations personnelles ou intimes d’une personne en public sans son consentement représente un délit.
Tenir certains propos interdits par la loi : l’incitation à la haine raciale, ethnique ou religieuse, l’apologie de crimes de guerre, les propos discriminatoires à raison d’orientations sexuelles ou de handicaps, l’incitation à l’usage de produits stupéfiants, le négationnisme.
Tenir de propos diffamatoires : la diffamation se définit par toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne.
Tenir de propos injurieux : l’injure se définit comme toute expression outrageante, termes de mépris ou invectives qui ne renferment l’imputation d’aucun fait.
Il existe également des limites spécifiques telles que le secret professionnel, le secret des affaires et le secret défense. Certaines personnes, en raison de la fonction qu’elles occupent, sont tenues à un « devoir de réserve ». C’est le cas des fonctionnaires qui doivent exprimer leurs opinions de façon prudente et mesurée, de manière à ce que l’extériorisation de leurs opinions, notamment politiques, soit conforme aux intérêts du service public et à la dignité des fonctions occupées. Plus le niveau hiérarchique du fonctionnaire est élevé, plus son obligation de réserve est sévère.
Quant au dénigrement, il s’agit de “tout acte ou comportement de nature à jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise même en l’absence de toute situation de concurrence, dès lors que la critique est inspirée par le désir de nuire à autrui”.
Un like sur Facebook: condamné pour diffamation
Le quadragénaire qui avait cliqué sur “J’aime” sur une publication Facebook, taxant le défenseur des animaux Erwin Kessler d’antisémite et de raciste, a été condamné à Zurich à 40 jours-amende de 100 francs avec sursis.
“Aimer” un article diffamatoire sur Facebook (“liker”) est passible de poursuites. Un homme de 45 ans a été condamné lundi par le tribunal de district de Zurich pour diffamation, relatent les médias alémaniques.
Il avait apposé un “pouce levé” sur six publications Facebook évoquant des positions “racistes” et “antisémites” du président de l’Association contre les “usines d’animaux”, et a commenté une contribution, entre juillet 2015 et mars 2016.
Aimer ou partager sur les réseaux sociaux: quels sont les risques?
Une personne qui “aime” ou retweete un contenu illégal le propage dans son réseau en le rendant disponible à d’autres utilisateurs. Elle risque donc une sanction suivant le type de contenu qu’elle partage. S’il s’agit de pédopornographie, l’infraction est dans tous les cas réalisée car c’est la mise à disposition de ces contenus qui est condamnable dans la norme pénale. Il suffit de propager un tel contenu pour s’exposer à une condamnation.
Dans les cas d’atteintes à l’honneur en revanche, il n’y a pas de jurisprudence claire. Ce sera donc au juge de décider si, en le partageant, la personne fait sien le contenu ou s’il s’agit simplement d’un fonctionnement inhérent aux réseaux sociaux. C’est donc l’intention qui est déterminante. Dans ce cas, seul l’auteur initial du message est responsable. C’est l’exemple du facteur, qui ne peut être tenu responsable du contenu du journal qu’il livre.
Aimer et retweeter, même combat?
Ces deux actions sont identiques selon la justice. Elles impliquent techniquement de propager du contenu en le rendant disponible à d’autres personnes. Et elles posent la même question: fait-on sien le contenu en le propageant? Cette question n’est pas encore tranchée.
Et pour les commentaires?
Celui qui a la maîtrise d’une page Facebook est tenu pour responsable de ce qui est publié s’il a eu la connaissance du contenu et n’a pas réagi. Cette personne peut être considérée comme complice car elle a donné les moyens à l’auteur de publier ce contenu.