La thèse d’un matelas ayant pris feu accidentellement se précise : le rapport de l’enquête attendu avant toute confirmation.
Les auditions des agents présents ont démarré au CCID
Équipements, armes, aliments, vêtements et autres logistiques partis en fumée
Il n’y a pas eu de victimes ou de blessés à déplorer. Aucun chiffre concernant les dégâts encourus n’a jusque-là été établis. Les pertes ne font pas état de documents ou autres dossiers sensibles. Mais, l’incendie qui a éclaté dans une aile des Casernes centrales dans la soirée du lundi 4 juillet au mardi 5 juillet 2022, est considéré et restera un évènement historique. En effet, le pays aura du mal à oublier ce jour où la maison mère des gardiens de la paix a été ravagée par des flammes qui ont fait suer toute l’organisation de service d’incendie et de secours de l’ile. Des détenus en évacuation, des membres des forces de l’ordre regardant brulés leurs effets personnels impuissamment, des policiers en formation contraints à retourner chez eux le temps d’une nuit, les traces de cette catastrophe ne pourra pas s’effacer même après les rénovations envisagées. Une histoire de plus qui sera mémorable pour ce bâtiment qui avait été construit en 1740.
Les Casernes Centrales, les pompiers tout autant que la population sont ainsi très intéressés à connaitre les raisons de cet incendie. A peine à bouts de ce feu, le commissaire de police, Anil Kumar Dip, a institué une cellule de crise dirigée par le Deputy Commissioner of Police, Krishna Jhugroo. Un premier constat a été effectué par la police dès mardi dernier, par la Fire Investigation Unit, le Forensic Scientific Laboratories et le Senior Crime Office. Le jeudi 7 juillet 2022, le Central Criminal Investigation Department, chargé de l’enquête, a donné le coup d’envoi des auditions des policiers qui étaient présents ce soir-là. Alors qu’un comité de crise, présidé par le commissaire de police, Anil Kumar Dip, se penche sur les dégâts et la réhabilitation de cette aile de la SSU No 4.
Eviter le pire
Ce qui est néanmoins un peu négligé, c’est le fait que cet incendie aurait pu être plus dévastateur car il comportait beaucoup de risques. En effet, malgré une première intervention, la situation a pris une tournure dégénérée et grave dans l’enceinte du poste de police principal. Les flammes ont gagné tous plusieurs bâtiments des Casernes. La structure en bois n’a pas aidé le travail des pompiers. Celle-ci était aussi particulier car le bâtiment est très vieux. La fin des opérations a été annoncée vers 10 heures, soit après plus de neuf heures de lutte intensive.
L’Assistant Chief Fire Officer, Dorsamy Ayacouty ne cache pas que la tache a été aussi fatidique qu’historique. L’Assistant Chief Fire Officer, Dorsamy Ayacouty, en charge des opérations, a fait comprendre que l’opération a nécessité le travail d’une soixantaine de pompiers des casernes de Port-Louis, Coromandel, Quatre-Bornes et de Curepipe et plusieurs heures de maitrises.
Double incendie
C’est aux alentours de 20 heures 30 dans la soirée du lundi 4 juillet que le premier incendie a éclaté. Cela dans un entrepôt d’une unité de la SSU, dans la partie avant de ce bâtiment, où une tronçonneuse était gardée. Les flammes devaient vite propager dans le bâtiment avec des matelas qui y étaient entreposés. Des sapeurs-pompiers de la capitale qui se sont rendus sur le lieu ont réussi à maîtriser cet incendie aux alentours de 22 heures 30. Toutefois, des étincelles devaient provoquer un nouvel incendie vers 1 heure du matin, ce mardi 5 juillet. Les flammes ont été dévastatrices.
Alors que le feu était maîtrisé d’un côté, des flammes se sont aussi montrés visibles à l’arrière du bâtiment. Ce bâtiment mythique sorti de terre grâce au dur labeur des esclaves, se consumait. Face à l’étendu du sinistre, plusieurs casernes de pompiers se sont mobilisées et une équipe à mener un combat contre les flammes à l’intérieur. Des détonations se sont fait entendre et des explosions soudaines sont venues à plusieurs reprises surprendre les badauds qui se sont massés en nombre dans ces heures tardives de la soirée. La police était sur le qui-vive et avec l’aide des pompiers, ils se sont vus contraints à placer des barrières de sécurité car la zone représentait un danger imminent.
La tâche s’est avérée plus difficile, d’où l’intervention du Deputy Chief Fire Officer (DCFO) Dorsamy Ayacouty, qui est arrivé à déployer ses équipes pour mieux maîtriser la situation. Le mode adopté : la défensive car les soldats de feu ne savaient pas ce qu’il y a à l’intérieur. Les pompiers ont pris le dessus sur le feu après plus de trois heures d’opération mais ce n’est qu’après presque 5 heures de travail que les pompiers sont arrivés à bout des grosses flammes. La première intervention officielle de Dorsamy Ayacouty a été ainsi, «Mo bann zom finn fer enn travay formidab. Nou pou pass an mod ofansif kot nou pou kapav rant dan batiman-la pou al atak dife la.» Et à 4 heures ce mardi 5 juillet, ils se sont mis à s’attaquer aux braises.
Chamboulements
Alors que le feu gagné ce bâtiment qui abrite les unités de la SSU, la «Major Crime Investigation Team (MCIT)», le quartier général de «l’Anti-Drug and Smuggling Unit», le «Central Criminal Investigation Department (CCID)», le bureau du commissaire de police, la cellule de communication de la police, le bureau du chef médico-légal de la police et le département administratif, plusieurs opération d’urgence ont dû être menés. Plusieurs unités mais aussi des détenus ont été évacués au moment du premier incendie. Ces détenus d’Alcatraz ont été transférés à Abercrombie.
Entre temps, les nouveaux recrus au nombre de presque quatre-vingt-dix qui suivaient leur formation et qui occupaient des dortoirs à cet endroit ont regagné leurs domiciles dans la soirée du lundi 4 juillet. Ils étaient dans la lecture room au moment du premier incendie. Comme les policiers de cette unité, ces recrus ont perdu tous leurs effets personnels. Ils n’ont cependant pas attendu longtemps avant d’être pourvus des nouveaux équipements et un autre endroit pour continuer leur formation. Certains ont été envoyés au centre d’entraînement du Chaland et d’autres au sein de la Special Mobile Force à Vacoas afin qu’ils puissent poursuivre leur formation et à terme porter l’uniforme de la police dans les mois à venir.
L’unité 4 de la SSU qui compte quelque soixante-dix hommes n’étaient pas opérationnelle. Les opérations étaient impossibles à la caserne de la Ligne mais le travail de la police s’est poursuivi sans interruption à partir des endroits où les différents éléments ont été relogés. Le personnel de la SSU N0 4, qui étaient eux en congé ce jour-là, ont été redéployés à partir du mercredi 6 juillet. Alors que plusieurs routes se trouvant à proximité des Casernes centrales, les jonctions Orleans, Deschartes, Volcy Pougnet, d’Entrecasteaux, étaient restés fermées dans un premier temps.
Enquête
Le CCID a rapidement démarré son enquête en vue de faire la lumière sur les circonstances des deux incendies. Elle est épaulée par le Fire investigation Unit, le Forensic Scientific Laboratories et le Senior Crime Office mais aussi une enquête par l’Electrical Unit. Les enquêteurs ont obtenu le feu vert du Mauritius Fire & Rescue Service (MFRS) pour faire une inspection sur place mardi, après quoi ils ont dressé un périmètre de sécurité. L’accès au site du sinistre est restreint à une certaine catégorie de personnes. Les enquêteurs ont demandé au PIOR de sécuriser les images des caméras dans l’enceinte des Casernes centrales, et dont les images sont visionnées pour les besoins d’enquête.
Le Scene of Crime Office (SOCO) et le Forensic Science Laboratory (FSL) se sont intéressés à l’entrepôt où des tronçonneuses appartenant au Special Response Group (SRG) sont stockées, de même que de vieux matelas et de la ferraille. Le CCID tente d’établir qui a eu accès à cet endroit lundi et, surtout, qui était la dernière personne à y avoir pénétré. Normalement, des policiers affectés au département de maintenance et le SRG font le va-et-vient dans l’entrepôt. Outre la thèse d’un court-circuit, le CCID se demande si une des tronçonneuses, encore chaudes, n’aurait pas été placée dans l’entrepôt à la va-vite après utilisation.
Au moment du sinistre, les officiers de la SSU No 4 n’étaient pas en service. Quant aux recrues qui logent dans l’endroit, elles étaient toutes dans le bâtiment situé à côté (SSU Complex), suivant un cours dans le Lecture Hall. En se basant sur ces faits, la police privilégie la thèse d’un incendie accidentel. La police et la Fire Investigation Unit (FIU) tentent également de trouver le dénominateur commun à ces deux incendies, tous deux ayant en effet éclaté dans la même aile à près de six heures d’intervalle. Les officiers soupçonnent que la chaleur du premier incendie, dans l’entrepôt, aurait gagné une autre pièce du bâtiment, et dont la structure, en partie en bois, était très inflammable.
Premier constat
Un premier constat effectué par la police confirme que l’incendie a tout ravagé (équipements, armes, aliments, vêtements et autre logistique) sur les lieux. Les premiers éléments indiquent que le feu a pris dans un matelas, mais le mystère demeure quant à savoir comment il a éclaté. L’Inspecteur Siva Coothen a fait comprendre que « l’origine de l’incendie est encore inconnue. Et pour expliquer l’envergure de cet incendie en deux phases, le responsable du PPO a expliqué que « c’est un bâtiment historique, qui avait été construit en 1740, a plusieurs endroits faits de structures en bois. Il y avait aussi des effets personnels des officiers ».
Au QG de la police, on fait également un constat des dégâts matériels causés, en vue d’effectuer une estimation du coût des pertes. Celle-ci sont cependant purement matériels. L’inspecteur Shiva Coothen a expliqué que des armes à feu et des documents administratifs de la SSU, entre autres, ont été abîmés ainsi que des effets personnels des policiers. « Nous sommes attristés. Les dégâts sont colossaux, les effets personnels des policiers ont été abîmés. Nous nous penchons actuellement sur la réhabilitation de la SSU No 4 », confie l’inspecteur. Un comité de crise, présidé par le commissaire de police, Anil Kumar Dip, s’est penché sur les dégâts et la réhabilitation de cette aile de la SSU No 4.
Pas de documents concernés
L’inspecteur Shiva Coothen a aussi tenu à rassurer la population et mettre fin à certaines rumeurs fabriquées, selon lesquelles des dossiers et pièces à convictions ont été brulés. « Il n’y avait, aucun dossier sur une enquête en cours ou de pièces à conviction qui étaient entreposées dans cette partie du bâtiment » a-t-il insisté. Ces dires ont également été appuyés par le commissaire de police dans la soirée du mardi.
Fire certificate
Le Commissaire de police devait aussi faire ressortir que les bâtiments touchés par les flammes ne détiennent pas de Fire Certificate. Il a expliqué que cette aile de la SSU No 4 est une partie historique des Casernes centrales et date d’environ 250 ans. À ce jour, on laisse entendre que seul le bâtiment abritant le QG de la National Security Services (NSS) aux Casernes centrales, détiendrait un Fire Certificate. Ce qui n’est pas le cas concernant les locaux ciblés par les flammes. D’autres bâtisses des Casernes centrales font l’objet de vérification en interne dans cette optique.
Il a été expliqué que toutes les conditions pour l’obtention de ce document évidente pour ce bâtiment construit en 1790. Un haut gradé des Police Headquarters avance que « Cela pose problème de casser ces pierres, considérées comme des parties du patrimoine, pour apporter des modifications, comme des sorties de secours. » De plus, « c’est un bâtiment appartenant à l’État », dit-il. Il met également l’accent sur l’aspect sécuritaire. « Toutes les entrées des Casernes centrales se situent dans une position stratégique sous la surveillance de la SSU. Créer une sortie de secours dans cette aile donnera sur la route, et donc une entrée fragile vers les armureries, où sont stockées des armes utilisées par la SSU », dit-il.
Les Police Headquarters rassurent cependant que les différents bâtiments des Casernes centrales disposent d’extincteurs, alors que des Fire Drills sont organisés chaque année dans les différentes zones de ce lieu. Alors que des démarches pour rectifier le tir ont déjà été évoquées au sein des Casernes centrales. Le quartier général de la police compte remédier à la situation.
Auditions
L’enquête sur les incendies, est passée à une autre étape, le jeudi 7 juillet 2022, le Central Criminal Investigation Department (CCID), qui a déjà une liste des policiers qui étaient présents ce soir-là, a démarré les auditions des agents de la Special Support Unit (SSU) qui étaient de service. Ils ont expliqué où ils se trouvaient et la manière dont ils ont appris qu’un incendie a éclaté dans un local situé à côté du bâtiment abritant le centre de détention Alcatraz. Ceux qui ont donné l’alerte et qui ont informé les sapeurs-pompiers devront eux aussi être entendus en détail par le CCID. Les rapports faits par ces derniers sur les causes de l’incendie sont toujours attendus.
Les conclusions pas connues de sitôt
Les conclusions sur l’incendie qui a ravagé une bonne partie des Casernes centrales ne seront connues de sitôt. Les pompiers prendront plusieurs jours pour rendre leur rapport. L’assistant chief fire officer des Mauritius Fire and Rescue Services nous informe que pour en venir à une conclusion et déterminer les causes de l’incendie, les pompiers de la Fire Investigation Unit doivent étudier plusieurs facteurs et critères.
L’enquête prendra le temps qu’il le faut vu l’ampleur de cet incendie qui s’est déclenché à deux reprises. « Il faudra avoir et analyser les échantillons. Il faudra questionner ceux qui étaient sur place, voir ce que contenait ce store, quels types de produits et s’ils sont inflammables ».
Batiment historique
D’après l’ouvrage, « Port-Louis, construit par les esclaves – Les pierres parlent », d’Amédée Nagapen, le rez-de-chaussée du bâtiment en pierres qui longe la rue Jemmapesremonte à l’époque française. L’étage en pierres taillées est, lui, plus récent, ayant été érigé durant la colonisation britannique, au XIXe siècle.
Selon l’«État des bâtiments civils et militaires du Port-Napoléon» remis aux Anglais en janvier 1811, que l’ancien vicaire général du diocèse de Port-Louis et historien souligne dans son livre, les «cazernes» sont «contenues dans une enceinte quarrée de 150 toises de face en maçonnerie». Le rez-de-chaussée, qui date de l’année 1760, est, à l’époque, divisé en 14 chambres et quatre cages d’escaliers et la caisse en cinq pièces. «Au-dessus de la porte d’entrée est un pavillon à deux étages couvert en bardeaux», mentionne le document historique. Ce qui donne une indication sur l’état d’origine de cette bâtisse.
Sur la base de données du site en ligne de SOS Patrimoine en péril, on peut lire que la première partie des Casernes centrales, les Line Barracks, a été créée sous le Gouverneur Labourdonnais et ensuite, sous le Gouverneur Desforges-Boucher. La première partie des Casernes centrales se situe entre la rue des casernes et la rue Moka. Le Gouverneur français Mahé de Labourdonnais avait établi Port-Louis comme base navale et c’est sous sa gouvernance que les Casernes centrales ont été construites. Ensuite, le Gouverneur Desforges-Boucher a reçu l’ordre d’agrandir les casernes dans le but d’éviter que les soldats ne doivent séjourner chez des particuliers. La partie arrière du bâtiment est alors construite à cette époque. Les travaux ont pris fin en 1761. Aujourd’hui, cet ensemble architectural sert de quartier général à la police. Les bâtiments ont été réaffectés pour construire des logements pour des policiers.